Radès, l'antique Maxula, est située sur les rives du golfe de Tunis, en face de Carthage, du côté sud du chenal de la Goulette.
Dans l'Atlas archéologique de la Tunisie (feuille 23 La Goulette au 1/ 50 000), édité à Paris en 1893, Radès est signalée Colonia Maxula. Dans la notice qui lui a été réservée, nous lisons : "Traces d'un établissement romain considérable ; réservoirs, chapiteaux, fûts de colonne, débris de frise, statue. Inscriptions. Traces de pont".
Lors de son voyage dans la régence de Tunis (1865), V. Guérin présente Radès comme suit : "un village de 800 habitants situé sur une colline qui s'élève entre le lac de Tunis d'un côté et la mer de l'autre" ; il signale, par ailleurs, la présence de plantations d'oliviers et quelques citernes antiques.
Dans sa Géographie comparée de la Province romaine d'Afrique (1888), Ch. Tissot a écrit : " Située entre le lac et la mer, sur une colline isolée qui se relie au nord par une pente douce à l'isthme de la Goulette, Radès possède les mêmes avantages que Tunis et dû, comme elle, être toujours un centre de quelque importance.
Au point de vue stratégique, elle est la clef de deux routes qui conduisent du littoral oriental à Carthage ; elle ferme l'isthme par lequel passe la route la plus courte et commande la plaine que traverse la plus longue, celle que suivent aujourd'hui les caravanes du Sahel. Par contre, le littoral qui s'étend à l'est de l'oued Miliane, entre Radès et Hammam el-Enf, n'offre pas un seul point qui satisfasse aux conditions essentielles d'un centre habité…Le bourg arabe de Radès a succédé à une localité antique : on y retrouve, sur le sol comme sous le sol, toutes les traces d'un établissement romain considérable, réservoirs, chapiteaux, fûts de colonnes, débris de frises… "
Le toponyme
Maxula est un toponyme libyque qui est, sans doute, en rapport avec les Maxitani qui est une tribu libyque.
Quant à Maxula Prates ou Maxula Per Rates, il s'agit d'une allusion à la présence de bateaux plats et lourds qui servaient à la circulation.
Prates serait un surnom de Maxula : P (er) rates est une expression qui signifie que la traversée du lac se faisait en bateau; par conséquent, Maxula per rates veut dire Maxula par les bacs.
Quant au toponyme moderne, Radès est selon toute vraisemblance une altération de Prates.
Les données de l'historiographie classique
Aux sources classiques, nous devons des informations sur Maxula Prates ; en effet, Pline l'Ancien, Ptolémée et Victor de Vita en avaient eu à parler.
Pline l'Ancien (23 - 79 ap. J.-C.), auteur romain d'une Histoire naturelle, nous informe que Maxula était une colonie au Ier siècle sous d'Auguste.
Ptolémée (90 - 168 ap. J.-C.), qui est un célèbre géographe grec, nous a laissé un traité de Géographie en huit livres ; le livre huit donne les coordonnées des quatre cartes consacrées à l'Afrique. La Tunisie est concernée par la deuxième carte intitulée Africa Tabula II ; plusieurs lieux y sont mentionnés dont Maxula.
Dans son Historia persecutionis vandalicae, Victor de Vita (Vè s. ap. J.-C.), qui était évêque en Byzacène, le Sahel actuel, nous fait savoir que Genseric, le roi vandale, demeurait à Radès. D'après cet historien, des évêques et insignes viri s'étaient rendues vers 445 au palais de Genseric à Maxula pour solliciter du souverain vandale la permission de demeurer dans leurs anciennes cités.
Voilà un texte qui présente un état de connaissance sur Radès au temps des Vandales ; ce passage illustre d'une façon indirecte la beauté et la prospérité de Maxula : les rois vandales, la préférant à Carthage, y ont établi leurs palais.
Par ailleurs, Victor de Vita appelle l'isthme de la goulette, c'est-à-dire la langue de terre qui unit Radès à la région de Carthage, entre le lac et le golfe de Tunis, le litus maxulitanum : la plage de Maxula.
Cartes et itinéraires
a - La table de Peutinger est une carte qui représente le monde au temps du Bas Empire romain datant du IIIè s. ap. J.-C. ; elle doit son nom à Konrad Peutinger (1465-1547), savant, antiquaire et homme politique allemand qui a eu le mérite de l'étudiée. Elle comporte les noms de la plupart des villes, en précisant les distances qui les séparent ainsi que les voies qui les desservent ; le voyageur de l'époque pouvait y trouver des indications utiles sur le lieu où il devait se rendre. Par ailleurs, cette carte a assuré une meilleure administration de l'empire et a permis de lever les impôts.
La table de Peutinger offre des données topographiques sur 3300 stations et plus de 500 symboles couvrant des liaisons routières de 70 000 milles, soit plus de 100 000 km.
Cette table se présente sous la forme d'une bande longue de 6,82 m et large de 0,34 m, répartie en douze parchemins. L'Africa, c'est-à-dire la Tunisie actuelle, occupe quatre segments de ce parchemin qui s'étendent du 4ème au 7ème segment. Les villes importantes sont signalées par des vignettes. Parmi les villes qui y ont été signalées, nous trouvons Maxula qui est placée à sept milles de Carthage. Maxula figure sur le segment VI, colonne 1 ; la vignette, qui lui est réservée, comporte deux tours et deux entrées, ce qui signifie qu'elle était colonia.
b - L'itinéraire d'Antonin, qui date de la fin du IIIè s. ap. J.-C., est une liste indiquant les étapes sur les routes romaines et les distances entre chacune, facilitant ainsi les déplacements des troupes. Sur cet itinerarium, Maxula est placée à dix-huit milles de Carthage.
c- Le Stadiasmus maris magni : il s'agit d'un itinéraire maritime qui date du Vè s. ap. J.-C. ; cet itinéraire comporte des indications sur les ports des côtes orientales de la Tunisie dont celui de Maxula.
Les sources épigraphiques
L'épigraphie latine recèle des informations sur la vie sociale, religieuse, économique, administrative et militaire de Maxula à l'époque romaine.
La plus célèbre des inscriptions est, sans doute, celle répertoriée CIL (corpus des inscriptions latines), VIII, 24512; elle a été publiée pour la première fois en 1906 à l'Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, à Paris.
Quid rataris transeuntes / dare debeant: / homo caballaris f(ol)l(es) IIII; hom pedester f(ol)l(em) I ; / burdo carricatus cum burdonariu f(ol)l(es) IIII ; / burdo leuis cum burdonariu f(ol)l(es) II; camellus carricatus cum camellari(u) f(ol)l(es) V; / [came]llus leuis cum camellariu f(ol)l(es) III; / [asinus carricatus cum] asinario f(ol)l(es) IIII / [asinus leuis cum asinario f(ol)l(es) II] -------
"Voici ce que doivent donner aux "passeurs" ceux qui traversent (le lac): un homme à cheval 4 folles; un homme à pied 1 follis; un mulet chargé accompagné de son muletier 4 folles; un mulet non chargé accompagné de son muletier 2 folles; un chameau chargé et son chamelier 5 folles; un chameau chargé et son chamelier 3 folles; un âne chargé et son ânier 4 folles------"
Nous avons là un témoignage épigraphique d'une portée considérable: il concerne le tarif établi pour le passage du ratis entre Radès et La Goulette dans l'Antiquité. A ce propos, nous pouvons citer l'exemple de la mosaïque d'Althiburos où l'on voit un bateau large et plat au-dessous duquel est inscrit Ratis siue ratiaria. L'embarcation représentée sur la mosaïque d'Althiburos est à rapprocher du type de bateaux dont se servaient les passeurs de Maxula.
Pour la vie religieuse, un fragment d'une plaque de marbre blanc, répertorié CIL 24328, porte une dédicace à la triade capitoline par la ville de Maxula. Dans cette inscription, nous reconnaissons le nom de Minerve qui est conservé :
[ ? Ioui O(ptimo) M(aximo), Iunoni Reginae, Min]eruae [Aug(ustae) sacrum] / [------Max]ula d(ecreto) d(ecurionum) [------] / [------instante] P(ublio) Aelio Bru[------]
Concernant la vie politique et administrative, nous pouvons mentionner une dédicace d'une statue du proconsul L. Aelius Dionysius dont les pouvoirs avaient été successivement renouvelés pendant trois ans: il est Proconsuli provinciae africae quatrum (il est en fonction pendant quatre ans entre 296 et 301). Cette statue a été élevée par le sénat municipal de Maxula :
: l'ordo maxulitanus qui, en constatant ses bienfaits, l'a qualifié d'amator ordinis.
A l'épigraphie, nous devons aussi d'autre informations relatives à l'histoire militaire de la cité. Au IIè s. ap. J.-C., deux légionnaires, originaires de Maxula, étaient dans la troisième légion auguste.
Au milieu du IIè s. ap. J.-C., parmi les Africains qui ont servi hors d'Afrique, dans diverses garnisons de l'Empire, C. Mantius Macrinus, legi traiana fortis.
Les données archéologiques
* Les stèles funéraires puniques
Des stèles funéraires puniques, de forme triangulaire ont été recueillies à Radès ; elles représentent des personnages ayant la main gauche sur la poitrine, la main droite levée, la paume en avant ; un des personnages a ses deux bras croisés sur la poitrine. Ces stèles datent du IV - IIè s. av. J.-C.
Outre les stèles, des urnes de petites dimensions, des lampes phéniciennes et romaines, une grande amphore, etc. ont été retirés d'une nécropole punique.
* La statuaire romaine
Des statues ont été découvertes à Radès.
A la fin du 19ème siècle, la compagnie des chemins de fer a fait don au musée Alaoui (l'actuel musée du Bardo) d'une statue virile colossale d'un personnage drapé de la toge. Cette statue mesure 1.90 m.
Sur l'emplacement du forum, une statue d'un magistrat municipal a été recueillie ; cette statue a été signalée dans un rapport sur les activités de la direction des antiquités en 1903 et a été transférée au musée du Bardo.
Enfin, une statue, représentant la déesse Vénus pudique flanquée d'un amour chevauchant un dauphin, a été découverte à l'intersection des rues Jules Ferry et Paul Cambon, face à l'aile droite de l'internat des jeunes filles.
* La mosaïque
Le dossier de Maxula comporte des tableaux de mosaïques exposés aujourd'hui au musée du Bardo. Sur une des mosaïques, sont représentés : le dieu Neptune debout sur un bige, et trois néréides sur des monstres marins dont on reconnaît un hippocampe et un dragon.
Ces divinités marines ont été représenté avec les attributs des saisons : couronne et corbeille
de fleurs pour l'une, suggérant le printemps, raisins et corne à boire déversant du vin rouge pour l'autre pour symboliser l'automne; la troisième néréide, dénudée et blonde comme le blé, rappelle l'été. Les grandes têtes ailées des vents sont flanquées d'une conque. En outre, nous pouvons admirer la faune marine qui y est représentée: on reconnaît des dauphins, un poulpe et des poissons.Cette mosaïque, qui date du IIIè s. ap. J.-C., aurait été trouvée dans le frigidarium (salle de bains froids) d'un grand établissement thermal.Sur une autre mosaïque, qui date du IVè s. ap. J.-C., sont représentés des animaux sauvages accompagnés de leurs noms : autruche, cerf, taureau, ours et sangliers; leur présence est inspirée par les jeux d'amphithéâtre. Cette mosaïque, qui avait orné le triclinium (salle à manger) d'une riche demeure, commémore un combat d'animaux offert par le propriétaire de la maison, à l'occasion de son accession à une magistrature. D'ailleurs, tout porte à croire que la cité de Maxula était dotée d'un amphithéâtre au IVè s. ap. J.-C .. et que les notables évergètes se distinguaient par leur munificence en offrant à leur frais des spectacles aux habitants de Maxula.
Enfin, le sol de Maxula a livré également des mosaïques d'époque chrétienne.
* L'architecture
Il est évident que les trouvailles archéologiques, auxquelles nous avons fait allusion, sont en rapport avec des espaces architecturaux, qu'il s'agisse d'architecture publique ou qu'il s'agisse d'architecture privée. Les rapports et les études sur Maxula montrent que des thermes, un capitole, un forum, des maisons, des citernes, un pont, une basilique chrétienne, etc. ont été reconnus.
* Autre mobilier
Entre autre objets découverts à Radès, il y a lieu de signaler la présence de monnaies, d'un poids, d'un fragment d'une coupe en verre décorée de palmettes rayonnant autour d'un cercle et des lampes se trouvent aujourd'hui au musée du Bardo.
*La cité de Maxula
En rassemblant toutes les données de l'historiographie, de l'épigraphie et de l'archéologie, nous pouvons tracer le profil d'une cité antique de quelque importance.
Dans l'état actuel des connaissances, nous ne disposons pas de témoignages concrets qui puissent
nous informer sur la présence libyque à Maxula; en revanche il y a des indices qui favoriseraient l'hypothèse d'une origine libyque de cette cité: il est vraisemblable qu'il y aurait un rapport entre la tribu libyque des Maxitanis et la ville de Maxula. Il y aurait même lieu de penser que le roi Iarbas, roi de Maxitani, qui a voulu épouser la princesse Elissa, avait pour capitale ou résidence Maxula. Il est probable que Maxula, en tant qu'agglomération libyque, ait pu exister en même temps que Carthage ou du moins elle ait pu assister à la fondation de Carthage par les Phéniciens, lesquels auraient selon la tradition payé tribut aux autochtones contre le terrain qui leur a été accordé pour la fondation de leur ville. Ces autochtones, seraient-ils les Maxitanis ? C'est possible. Il ne s'agit là que d'une donnée dont la valeur historique suscite prudence et circonspection car en se référant à la mythologie, il convient de procéder à un travail d'analyse afin que l'imaginaire ne se mêle pas aux faits historiques. Quoi qu'il en soit, l'imaginaire et le mythe racontent le vécu et véhiculent une part du réel.
Qu'en est-il de la Maxula punique ?
La cité radésienne punique gis vraisemblablement sous une partie de la ville moderne qui est établie sur les collines. Dans l'état actuel des connaissances, il est difficile de reconnaître les emplacements de la ville, tels que ses monuments publics religieux, ses places, ses maisons, sa muraille, etc. Il est vrai qu'un lot important de stèles funéraires puniques a été trouvé à Radès et que tout laisse croire qu'une importante nécropole vraisemblablement rattachée à une agglomération punique, ait pu exister.
Cette nécropole punique, d'après son inventeur, le capitaine Molins aurait après avoir été désaffecté, servi de nécropole romaine dont les tombes se présentent sous forme de fosses couvertes de dalles. Il convient de reconnaître que pour la période punique, l'espace funéraire est identifié sans qu'on soit parvenu à localiser l'habitat; la mise en relation des nécropoles avec leur habitat respectif s'avère difficile ; l'historien n'est pas encore en mesure de faire le lien entre les morts et les vivants. C'est là un problème irritant qui souligne l'importance des lacunes dans la trame du réseau urbain antique.
Compte tenu de son emplacement stratégique, Maxula a dû jouer un rôle au temps de Carthage.
Maxula fut établi pour protéger les points faibles de l'accès par la terre qu'offrait les deux cordons littoraux.
Maxula, à l'origine une agglomération libyque a su certainement profiter des apports phénico-puniques en gardant des spécificités qui sont le résultat de la rencontre entre l'endogène et l'exogène: la Maxula punique est la rencontre entre la composante orientale véhiculée par les Phéniciens et la composante autochtone libyque.
A l'époque romaine, sous Auguste, une colonie a été fondé sous le nom de Colonia Iulia Ind[ulgentia]ou (Ind[ustria]) Maxula. Les données archéologiques et épigraphiques, que nous avons présenté montrent bien que la cité était importante: un forum, des monuments publics, des thermes, un capitole, sans doute un amphithéâtre, etc.
Pour l'époque chrétienne, des évêques ont été mentionné en 381, 390, 411, 416, 484, 525, et la mention d'un évêque donatiste en 411. Les rapports de fouilles signalent la présence d'une basilique chrétienne; par ailleurs, il y a lieu de noter que le thème du prophète Daniel habillé a été retrouvé sur une tablette en ivoire découverte à Maxula où figurent le pantalon, le manteau et le bonnet phrygien, sachant que parmi les épisodes bibliques populaires chez les Africains, celui de Daniel ; l'histoire de Daniel exprime pour les Chrétiens la foi dans la résurrection.
Au Vès, les rois vandales ont établi leurs palais à Maxula; cette information nous la devons à Victor de Vita.
De l'époque byzantine, nous disposons d'une dédicace sur un bloc de marbre blanc: Cum deo factum est omnia sine deo nihil factum est.
A la lumière de la documentation disponible qui embrasse toutes les périodes historiques, nous avons essayé de tracer le profil de la prestigieuse cité de Radès, avant la conquête arabe. Maxula, en tant que cité et en tant que produit culturel, se rattache à un fonds africain qui a su profiter de la punicité et de la romanité sans exclure le dialogue avec les autres partenaires de la Méditerranée
HISTORIQUE par M. Mounir FANTAR
Commentaires
merci "petit prince" comme l'avait ecrit Saint Exupery...
merci Maxula Prates, pour toutes ces informations ....
Que de souvenirs, que de merveilleux moments passés au Lycée de jeunes filles "Maxula Radès" , il y a de cela près de quarante années..
J'étais élève interne dans cet etablissement pendant quatre années avant de rejoindre Mongil... Chaque soir, avant d'aller me coucher, je me figeais pendant quelques minutes devant l'une des fenêtres du dortoir qui donnait sur la baie , et de là je voyais "ramper" le train blanc illuminé qu'on appelait le TGM et qui joignait Tunis à la Goulette ma ville natale .. cela me suffisait de penser très fort à mes parents qui se trouvaient de l'autre côté, l'autre rive du golfe qui nous separait,
Malheureusement et je le dis avec regret ...."aucun professeur d'histoire -géo de notre Lycée n'a pensé , un jour, nous donner même un petit aperçu, nous parler de
l'historique de Radès...mais il n'est jamais trop tard pour savoir, connaitre , apprendre , s'enrichir de notre Histoire
Merci Mr FANTAR..
Nostalgie quand tu nous tiens...meilleures pensées et des roses à tous les Radesiens et particulièrement à mes amies anciennes lycéennes de Maxula et Mongil ....De RADES viile du JASMIN
Merci pour cet exposé et Merci à Mounir Fantar un camarade de classe de l'époque du lycée Khaznadar